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Au-delà de 100MB, c’est interdit…

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P2P

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Je vais vous parler aujourd’hui de transfert de fichier et de P2P. Je vous préviens que je ne suis pas expert complet en P2P, et je risque donc de vous glisser des approximations, mais le propos général reste valable.

Ce problème m’est apparu lorsque j’ai mis sur mon site web, qui parle d’Histoire, des fichiers assez gros de 5 à 10MB, des scans de périodiques des années 1850, et que mes visiteurs se sont plaint qu’ils n’arrivaient pas à les télécharger. Soi-disant, avec ma box, la voie montante tourne autour de 40k/s.

Reprenons du début.
Lorsque vous voulez échanger des humeurs, quelques lignes de texte, vous envoyez un mail, ou vous postez dans un forum.
Lorsque vous voulez échanger plusieurs kO de données (1kO=1000 caractères), un petit texte mis en forme avec votre éditeur de texte, c’est encore par mail, mais en pièce jointe. Vous pouvez mettre en pièce jointe des fichiers un peu plus gros : quelques photos ou scans de 1MB chacun (1MB=1000kB), une petite chanson en mp3 enregistrée avec votre téléphone, une affiche que vous avez faite pour votre copain musicien qui fait la fête de la musique…
Si, au lieu d’échanger, vous voulez publier, ça marche aussi. Vous mettez ceci sur votre blog. Si vous êtes un peu plus technique, vous avez d’autres options : vous le mettez sur le petit espace web mis à votre disposition par votre FAI, ou sur votre propre PC sur lequel vous faites tourner un petit serveur web.
Ça va bien jusqu’à 5MB. Après, ça commence à coincer : les fichiers ne passent plus par mail. Vous avez du mal à uploader le fichier vers l’espace web, les visiteurs mettent longtemps à le télécharger depuis votre PC.
Lorsque le fichier devient un peu gros, vous avez besoin de passer à la technologie suivante. Par exemple le direct download (DDL). Le portail de votre FAI a peut-être un bouton « envoyer un gros fichier » qui vous permet de mettre un gros fichier sur un espace d’où il sera accessible par les autres. Si c’est pour échanger, dans le domaine privé, vous mettrez un mot de passe et seule la personne visée pourra récupérer le fichier. Concrètement, si vous voulez envoyer au cousin les 30 photos prises lors de son anniversaire, vous en faites un fichier unique ZIP de 30MB, que vous mettrez en DDL privé. Si c’est pour publier, par exemple les mémoires que votre grand-père a écrits sur la guerre, avec les photos qui l’illustrent, le tout dans un petit livret PDF de 50MB, vous le mettez sur un point DDL ou un espace web, et les visiteurs peuvent le télécharger.
Mais là, on est déjà limite. Vous allez vous y reprendre à plusieurs fois, et ça prendra toute la soirée, avant d’arriver à envoyer 50MB correctement sur le serveur.
Que faire lorsque le fichier devient plus gros ? Vous avez caméscopé vos vacances à Santorin, votre visite des lacs en Italie, votre séjour à l’île de Sercq… Avec un petit montage, un petit générique, vous en avez fait un film, que vous voulez diffuser en divx (300MB) et même un DVD avec menu sympa et musique traditionnelle pour les transitions (image ISO à 4.5GB=4500MB). Impossible de distribuer des fichiers aussi gros avec les méthodes de téléchargement classiques.
Une fois encore, vous devez passer à la technologie suivante : le P2P, par exemple torrent (il existe d’autres réseaux, comme Kad pour E-mule). Pour cela, vous installez un logiciel (appelé « client torrent »), vous cliquer sur « créer un torrent » et vous suivez les indications du logiciel. Le logiciel vous fait créer un petit fichier, le « fichier torrent » de quelques kB, qui contient les éléments d’identification de votre film. C’est ce fichier que vous diffusez et qui permet aux internautes de télécharger votre film avec, eux aussi, leur petit client torrent. Donc vous mettez le fichier torrent sur votre blog pour que les gens puissent le trouver. En quelques minutes (un peu plus la première fois), votre fichier, votre film est publié. Il faudra attendre quelques jours pour que votre film soit trouvable dans les moteurs de recherche. Et lorsque les amis et anonymes vont vouloir le télécharger, non seulement le téléchargement va se dérouler sans accrocs, mais en plus il ne va pas surcharger et saborder votre box et votre PC. Et si votre fichier plaît et que plus de gens encore le téléchargent, au lieu de poser des problèmes de congestion, au contraire, il en devient de plus en plus visible et disponible. Vous avez remarqué en outre que c’est gratuit.

Qui dit gros fichier, donc, dit P2P. Pour le système d’exploitation gratuit linux (700MB) et les quelques films dont les producteurs souhaitent une diffusion sur internet (« Sita sings the blues », « Steal this movie », « The Lionshare », la série TV « Pioneer one » (et prochainement le film d’horreur « The tunnel »), le P2P est donc le moyen utilisé, et le seul possible. Puisque ces œuvres sont gratuites, il n’est pas question d’acheter un CD ou un DVD, qui d’ailleurs n’est pas distribué en magasin. Il faut donc bien les diffuser sur internet. Si un jour les producteurs de cinéma décident d’utiliser internet pour diffuser leurs films, et réaliser ainsi l’économie de la fabrication du DVD et du réseau de distribution, c’est forcément par le P2P qu’ils devront passer.

Tout est donc parfait dans le meilleur des mondes. Vraiment ? Non, car pour fonctionner, le P2P a besoin d’une espèce d’écosystème. Il faut des logiciels clients torrent. Il faut des serveurs appelés « trackers » qui suivent les pairs, c’est à dire les « partageurs », pour que les internautes trouvent des accès au fichier. Il faut aussi des hébergeurs pour stocker les fichiers torrent, et il faut des moteurs de recherche qui permettent aux utilisateurs de retrouver les fichiers torrent à partir de mots clés (par exemple « Santorin » ou « pyramides »).

Cet écosystème existe, mais il est attaqué. Il y a vraiment des gens qui investissent du temps, de l’argent et toutes sortes de ressources pour faire fonctionner ces éléments, mais d’autres personnes veulent les arrêter. Non pas les arrêter comme on dit « les stopper », ils veulent les arrêter comme on dit « les mettre en prison ».

Nous l’avons vu, le P2P est la technologie idéale pour échanger et publier de gros fichier. C’est donc sans surprise qu’on découvre que c’est la technologie utilisée par ceux qui s’échangent des films de cinéma. Et pour cette raison : parce-que les pirates utilisent le P2P pour leurs échanges, les ayant-droit et leurs représentants veulent tout simplement interdire le P2P, faire fermer les tracker, les hébergeurs de torrents, les moteurs de recherche torrent, faire condamner les éditeurs de logiciels P2P et faire bloquer tous les protocoles P2P par les FAI ou des logiciel de sécurisation obligatoires.

Le pire, c’est qu’ils y parviennent. Les exemples ne manquent pas qui montrent que, sous la pression des lobbies, et aux antipodes de ce que dicterait la logique d’une analyse  technique, les jugent suivent les recommandations des ayants droit et acceptent d’abattre les différents éléments de cet écosystème. Les FAI des trackers sont menacés de prison (CB3ROB en mai 2010), les trackers sont interrompus (Bithack.lv en été 2008, Danger.lv en février 2009, OpenBitTorrent en mai 2010), les moteurs de recherche sont forcés à fermer (isoHunt en mai 2010). Les logiciels clients torrent sont aussi attaqués : la société éditeur du logiciel Limewire, a été reconnue responsable des violations de copyright perpétrées par les usagers du logiciel, et est menacée de fermeture (juin 2010).

Une mention spéciale pour « The Pirate Bay », qui est un moteur de recherche spécialisé dans les fichiers torrent. Son nom et son look « pirate » leur attire tous les utilisateurs de films en violations de copyright, et la colère des ayants droit qui n’ont de cesse de le trainer devant les tribunaux. La loi n’interdit pourtant pas de looker son business avec des décors Pirates… Un des plus gros possesseurs de propriété intellectuelle, Disney, est le premier à le faire avec leur attraction « Pirate des Caraïbes ». Il semble cependant que lorsque le  business en question est un moteur de recherche torrent, le look soit une raison suffisante pour être condamné.

Le P2P est une technologie qui répond principalement à un besoin légitime et légal, celui de partager et diffuser de gros fichiers. Les opérateurs qui permettent à ce système de fonctionner : FAI, trackers, moteurs de recherche, etc, n’ont aucun moyen de filtrer les fichiers libres des les fichiers copyrightés. En conséquence, les ayants droit et leurs représentants veulent en empêcher et interdire l’usage, purement et simplement.

Pour les ayant droits, les majors, la RIAA, l’ALPA, la SACEM et consorts, les outils permettant d’échanger de gros fichiers sont tous simplement illégaux par nature, et ils attaquent sans discrimination tous les éléments de l’écosystème. Pour eux, la technologie s’arrête à 100MB. Tant-pis si vous êtes un particulier ou un artiste ou un éditeur indépendant qui veut publier ses gros fichiers (dessins d’art, magazine électronique, logiciel, CD, albums photos), ou un producteur de films à diffuser sur les plateformes de partage. L’internet doit être plafonné à 100MB. Le soi-disant logiciel de sécurisation d’Orange vendu par Orange en mai 2010 ne fait que confirmer cet état d’esprit : c’était juste un logiciel qui bloque les clients P2P sur votre poste.

C’est pourquoi il est important de ne pas tomber dans le travers et ne pas soutenir la propagande ambiante qui dit que le P2P c’est mal, que le torrent doit être bloqué, que le soi-disant « usage légal » du P2P n’est qu’une excuse.

Lorsque les livres numériques seront massivement piratés à leur tour, ils seront certainement diffusés sous forme de fichiers PDF de quelques MB seulement. Plus besoin du P2P, les gens se les échangeront par E-mail. Ce jour là, serez-vous aussi d’accord pour dire que les pièces jointes c’est mal, qu’il faut fermer les serveurs de mail, que les logiciels de sécurisation devraient les bloquer, qu’il faudrait fermer les moteurs de recherches spécialisés PDF, que chaque PJ devrait être scannée par un logiciel HADOPI afin de vérifier qu’il ne contrevient pas au droit d’auteur d’autrui ?

Le copyright, c’est bien gentil, mais là, ça m’empêche de vivre. Est-ce possible qu’une minorité de groupes privés, englués dans leur immobilisme, nous empêcher d’utiliser à plein les merveilles que la révolution du numérique met à notre disposition ? Ce serait de l’obscurantisme technologique…


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